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La Forêt Vosgienne ...


La vallée de Reherrey à Vecoux, près de Remiremont







La forêt a depuis toujours été la plus grande richesse du massif des Vosges, une richesse commune à trois régions, une richesse séculaire qui a joué un rôle déterminant dans l'histoire du massif et qui joue encore aujourd'hui un rôle économique non négligeable.

La forêt est une ressource quil est indispensable de préserver, car c'est en partie sur elle que repose l'avenir  des régions qu'elle couvre.

La Forêt Vosgienne

I


   Une des caractéristiques les plus typiques des Vosges est l’importance de leur couverture forestière, celle-ci, s’étendant sur tout l’est de la Lorraine, la partie montagneuse de l’Alsace et l’angle nord-est de la Franche Comté constitue la seconde surface forestière de France derrière celle des Landes avec 300 millions d’hectares. La forêt vosgienne est immense, telle un bloc massif impénétrable, une « Ligne Bleue » situé à l’est de la France. Celle-ci est nettement délimitée, vue du ciel par la présence du massif vosgien et sa forme arrondie et allongée vers le nord caractéristique. Très large et bien délimitée au sud, elle se rétrécit en allant vers le nord au niveau de Saverne avant de s’étendre ensuite sur les  Basses Vosges et le Palatinat. La présence de la forêt dans la Vôge à l’instar des Vosges et en contraste avec la Plaine Lorraine permet de délimiter cette petite région tout en faisant de celle-ci la bordure sud-ouest du massif en tant que tel.

    La forêt a depuis des temps immémoriaux tenu une place privilégiée dans la vie des habitants des Vosges, et ce au cours de toutes les époques. Son rôle a toujours été déterminant et a constitué la base naturelle sur laquelle l’implantation humaine s’est déployée. A l’origine, les Vosges étaient un massif où la forêt était omniprésente, tout particulièrement dans les zones de relief, avec peu d’espaces ouverts, si ce n’est, et de manière très réduite dans les vallées larges et plates de la Moselle et de la Moselle.Le fond de la vallée de Reherrey et le Col de Xiard
Le fond de la vallée de Reherrey et le Col de Xiard

    Cette situation particulière des Vosges lui a valu des répercutions importantes, en termes de peuplement humain. Sa pénétration a été lente, bien que la présence humaine soit attestée depuis fort longtemps (présence de dolmens et de pierres à cupules) dans un environnement forestier et montagnard (comme en Forêt de Fossard). Les Celtes s’y sont implantés aisément (camp de la Bure) et les romains ont gagné l’Ouest du massif où ils ont construit des voies ainsi que des cités (Bains-les-Bains, Plombières-les-Bains, Xertigny). Quelques voies traversaient même, dans un milieu sauvage, les cols de Saulxures et de Bussang.

    Lors des invasions germaniques qui ont gagné la vallée de la Moselle (chute de Trèves en 406), le plateau lorrain et la plaine l’Alsace, le massif et la forêt vosgienne ont constitué une barrière culturelle et linguistique séculaire entre les populations  romanes et les populations aux dialectes germaniques. Par la suite, des établissements monastiques se sont établis suite à l’arrivée de moines (comme Saint Romaric), ce qui a conduit à l’édification d’abbayes (Remiremont, Luxeuil, Saint-Dié, etc.). L’abondante forêt fut lentement défrichée, dans les vallées, où les populations vivaient en relative autarcie, adoptant un mode de vie original, sans grands contacts avec l’extérieur. Le chapitre de Remiremont fut, au cours du Moyen-âge un des plus respectés et des plus riches de l’Empire, s’appuyant sur des Bans dotés de grandes et prodigues surfaces. La qualité des forêts ainsi que les ressources tirées de la terre permirent aux habitants de faire face aux famines tout en subvenant à leurs besoins vitaux. Ceci n’empêchait cependant pas les invasions (Hongrois au Xème siècle), ni les bouleversements extérieurs (guerre de Trente Ans au XVIIème siècle) de gagner la montagne vosgienne. Les contacts entre les Vosges et l’extérieur furent plus nombreux que l’on pourrait néanmoins le penser, la présence de la forêt ne constituant point un obstacle aux relations et aux mouvements humains.

    La forêt a de tous temps fournit les matériaux nécessaires aux habitations et aux constructions, au chauffage ; le bois servait à la fois de matière première, d’outil ainsi que de marchandise via le flottage, en particulier pour la construction de navires. La forêt a été, jusqu’au XIXème siècle la base de l’économie vosgienne, son exploitation faisant vivre de nombreux individus, notamment les Schlitteurs, qui ramenaient dans les vallées, à l’aide de luges sur des rondins de bois, le bois ramassé sur les hauteurs. Le recul séculaire de la forêt, du fait de l’exploitation intensive de celle-ci s’est poursuivi tout au long du Moyen-âge, les hauteurs furent déboisées, ouvrant des espaces aux pâturages dans les secteurs de la vallée de la Moselle, de la Vôge, de la Moselotte. Un pastoralisme original se développa sur les hauteurs avec la construction de fermes typiques. Les domaines de montagne défrichés ou en forêt étaient divisés par des petits murs de pierre tout à fait caractéristiques présents sur tout le territoire montagneux du Pays de Remiremont ainsi que les secteurs montagneux de la Haute Moselotte, de la Vologne, de la Meurthe. Tout ce territoire possédait cette caractéristique unique de la montagne vosgienne, que l’ont retrouve encore aujourd’hui à proximité des Chaumes des Vosges. L’économie pastorale située sur les parties intermédiaires des moyennes vallées de la Moselle, de la Moselotte et de la Vologne a progressivement périclité du fait de l’attraction des industries des fonds de vallées et les fermes ont été livrées à l’abandon puis lentement à la forêt de résineux. De nombreux sentiers pavés ainsi que des ruines forestières attestent encore de nos jours de la vitalité de ce patrimoine oublié

    La population du secteur de Remiremont et de ses environs fut à l’époque de la Révolution très élevée, traduisant l’exceptionnelle capacité de ce territoire à accueillir, du fait de sa richesse intrinsèque une population dense. Des phénomènes nouveaux apparurent, telles que l’industrialisation progressive des vallées, reposant sur l’emploi de la force hydraulique (barrages), qui permit l’essor du textile, des tréfileries, des scieries modernes.

    La forêt fut très intensivement exploitée au cours des XVIIIème et XIXème siècles, ce qui conduisit de nombreuses montagnes à en être dépouillées par endroits quasi-totalement. La réglementation à l’égard de l’exploitation de la ressource forestière, tant sous le régime féodal qu’après la révolution fut particulièrement drastique et le braconnage sévèrement réprimé.

    La forêt amorça un mouvement de reconquête progressif au cours du XXème siècle, à l’instar des autres régions françaises à la même époque, mais avec des problématiques spécifiques. L’économie liée à l’exploitation forestière demeura d’importance mais la désertification des Hauts liée à l’industrialisation amena une fermeture des territoires au profit de la forêt naturelle ou des exploitations de sapins, alors une denrée de grande valeur. Le phénomène est particulièrement visible dans le secteur des Vosges Saônoises. Les scieries, alors près de 800 employèrent une main d’œuvre nombreuse jusqu’aux années des Trente Glorieuses où les mutations des constructions, de l’énergie ainsi que les problèmes de solvabilité et de compétitivité poussèrent nombre de celle-ci à fermer ou à se restructurer. Le secteur fut alors sinistré dans les années 70, 80 et 90. Les récentes années, du fait de soucis écologiques liés au renouveau des constructions en bois ainsi qu’un regain d’intérêt pour le bois en tant que source d’énergie.

    Le mouvement d’extension de la forêt se poursuit encore à l’heure actuelle, et ce en dépit de la tempête de 1999 qui a causé beaucoup de dommages au patrimoine forestier.

    La forêt couvre aujourd’hui environ la moitié du territoire vosgien et une part majeure du territoire du Pays de Remiremont. Celle-ci est particulièrement présente dans les secteurs montagneux où elle couvre la quasi-intégralité des montagnes avec des vallées largement déboisées et cultivées. La Vôge présente un paysage vallonné, davantage équilibré et répartit entre champs et forêts avec des vallées boisées. Les conditionsRoute Forestière d'Haumantarde
Route Forestière d'Haumantarde
climatiques qui associent à la fois humidité importante, zone de moyenne montagne sans froid excessif, chaleur suffisante ainsi que sols favorables ont permis l’installation d’une couverture forestière immense, ceci d’autant plus que le développement de l’habitat humain n’a que peu empiété sur les grandes zones boisées.

II


   La forêt présente globalement plusieurs aspects quant à sa répartition géographique, souvent regroupée en de grandes zones boisées sur les massifs ou dans la Vôge, elle est aussi présente en « Bois » de taille plus réduite aux alentours des grands massifs mais également de manière discrétionnaire dans les vallées de montagne ou de Vôge. Vue sur les Hauts de Bellefontaine
Vue sur les Hauts de Bellefontaine

    La composition même de la forêt est différentiée entre une prééminence des feuillus sur la Vôge et dans les vallées et une domination des résineux dans les secteurs de montagne ; les essences sont globalement diversifiées avec de nombreuses variété même si celle-ci se concentrent de manière assez forte sur le hêtre et dans une moindre mesure le chêne pour les feuillus, et le sapin pour les résineux. Ceci tient surtout aux facteurs climatiques et géographiques, les zones de montagne présentent en effet des températures plus basses et contrastées que la Vôge et les Vallées, ainsi qu’une hydrographie plus forte, ces conditions, auxquelles s’ajoutent un enneigement plus important conviennent davantage au sapin et à sa grande résistance. Nous pouvons également observer des différences quant à la période végétative des arbres et des plantes, en fonction de l’altitude. La végétation située sur les sommets, en particulier au-delà de 800 mètres possède une période végétative inférieure de quelques semaines à quelques mois en fonction des lieux d’établissement, ceci est dû à la fois aux températures basses, à l’enneigement constant ainsi qu’au vent plus fort régnant sur les sommets.

    La mixité est courante, et ce dans tous les secteurs du Pays de Remiremont, nous pouvons ainsi retrouver des essences de feuillus au cœur des zones montagneuses où prospèrent les résineux. De manière générale, les secteurs gréseux de l’Ouest sont davantage favorables aux feuillus tandis que les sols granitiques plus exigeants favorisent les résineux. Les forêts de Thiébémont, et de la Vôge sont composées exclusivement d’essences de feuillus, les forêts situées à la bordure de la Vôge et du massif vosgien sont souvent mixtes, c’est surtout le cas dans les secteurs des forêts de Raon et de Humont à l’ouest de la Moselle et de Fossard à l’est de la Moselle. La mixité se retrouve également dans les forêts d’Hérival et dans une moindre mesure de Longegoutte. Les forêts de Remiremont ainsi que celles situées sur les hauteurs de Moselle et de Moselotte voient davantage la domination des résineux.

    La répartition des essences est toutefois quelque peu biaisée par le fait que de nombreuses plantations de sapins ne découlent pas de processus naturels mais proviennent des plantations faites par les Hommes afin d’exploitation forestière.

    Les forêts présentent donc des structures diversifiées quant à leur composition interne, ce qui en fait leur richesse, surtout lorsque celle-ci s’est faite naturellement et en conjonction avec le développement d’une flore caractéristique.

    Chaque forêt du Pays de Remiremont est unique quant à sa taille, sa composition au niveau des essences, sa richesse florale et faunique. La position géographique est décisive car c’est elle qui conditionne toutes les caractéristiques des forêts, le milieu et le sol dans lesquels elles se développent jouent également un rôle essentiel en privilégiant telle ou telle essence d’arbre et de plante ainsi que certaines espèces d’animaux vivant en harmonie avec la forêt. La diversité et la richesse biologique de chaque forêt sont propres et découlent des conditions plus ou moins favorables au développement et à la préservation des espèces et des essences.


    La forêt s’éveille de manière générale au mois d’avril, et ce en un espace de temps très court les feuillus prennent leurs feuilles, les résineux accroissent leurs branches, l’aspect de la forêt, sombre et composée de vert-foncé pour les résineux et de brun pour les feuillus devient ainsi lumineux et vert-clair. La végétation devient alors très fournie voire luxuriante en certains secteurs particulièrement exposés au soleil, c’est alors toute la forêt même qui change d’aspect et prend ses dispositions pour un été chaud favorable à sa croissance. A partir de la fin du mois d’août, après et au cours de la saison des champignons, l’été touche à sa fin et les journées raccourcissant, les feuilles se mettent à tomber au cours des mois de septembre-octobre voire novembre. Le rafraîchissement de l’air se réalise dans un climat plus humide, les forêts deviennent souvent brunes, parfois multicolores. Puis vient le temps des premières gelées, après l'été indien, puis de la neige vers novembre, les forêts nues s’endorment jusqu’au retour du lointain printemps suivant. Val de Combeauté en aval du Prieuré d'Hérival
Val de Combeauté en aval du Prieuré d'Hérival

    Le cycle végétatif des arbres est très variable selon les altitudes, de 6 mois en plaine et dans les vallées, il se raccourcit de 1 mois environ à 800 mètres et de 2 mois à partir de 1000 mètres du fait des conditions climatiques plus difficiles. Des spécimens extraordinaires d’arbres tordus par le dur climat de montagne se trouvent sur les chaumes. Le cycle végétatif des arbres est très variable selon les altitudes, de 6 mois en plaine et dans les vallées, il se raccourcit de 1 mois environ à 800 mètres et de 2 mois à partir de 1000 mètres du fait des conditions climatiques plus difficiles. Des spécimens extraordinaires d’arbres tordus par le dur climat de montagne se trouvent sur les chaumes d’altitude.  

    La forêt a autrefois beaucoup souffert du développement des industries polluantes des grandes zones urbanisées et industrialisées de la Ruhr, du Nord et de la Belgique ainsi que du Bassin parisien. Celles-ci étaient gravement affectées par le phénomène des pluies acides découlant de l’émission de gaz acides  qui contribuèrent à faire dépérir nombre d’arbres, en majorité des résineux, situés sur les massifs exposés aux vents. Cette situation a été peu à peu résolue du fait de changements dans l’activité économique (moins industrielle), au niveau des modes de  production (moins polluants) ainsi que d’exigences accrues en termes d’exigences environnementales. A l’heure actuelle, la forêt n’a plus trop à souffrir des pluies acides, et sa vitalité originelle a ainsi quasiment pu été retrouvée

    Les forêts sont aujourd’hui des sources importantes de revenu, tant pour les communes, que de l’Etat, propriétaires respectifs des forêts communales et domaniales. Leur exploitation apporte une part importante des revenus de nombreuses communes dont le patrimoine forestier peut représenter régulièrement plus de la moitié de leur surface territoriale. Ceci est renforcé par le fait que la plus grande partie du domaine forestier se trouve sous domaine publique, les propriétaires privés ne possédant qu’une part minoritaire des surfaces, notamment en bordure des massifs forestiers.

    L’activité de coupe du bois se révèle, malgré les fluctuations des cours mondiaux, d’une singulière vivacité. Les profondes mutations qui l’on affecté (disparition de nombreuses scieries traditionnelles, mécanisation de la coupe).

    Les débouchés sont relativement nombreux et diversifiés, en particulier dans le domaine du chauffage où le bois profité d’un regain d’intérêt croissant en qualité de ressource énergétique renouvelable, bon marché et efficace. Le secteur de la papeterie est également gros consommateur de bois, tout comme le bâtiment ; enfin, d’autres applications existent, faisant de ce patrimoine une ressource hautement valorisable dans le futur.

III


Chemin borné près de la Croisette d'Hérival
Chemin borné près de la Croisette d'Hérival
   La forêt constitue aujourd’hui un patrimoine essentiel de la terre vosgienne, car elle en est son essence, faisant partie intégrale de la vie des habitants. Son rôle au cours du temps a changé, ce n’est aujourd’hui plus tant un espace d’habitation pourvoyeur de ressources diverses qu’un lieu de détente et de tourisme pour les citadins. Le massif vosgien, grâce à ses caractéristiques particulières est ainsi le lieu de montagne offrant le visage le plus accueillant, ce qui explique pour partie son fort peuplement séculaire. Sa diversité est emblématique de la richesse paysagère locale caractérisant les Vosges.    

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l convient pour les générations futures de conserver au mieux cet héritage naturel exceptionnel, par une gestion parcimonieuse, durable et responsable tout autant qu’un respect environnemental véritable. Seule cette voie sera à même d’assurer au territoire vosgien un avenir prometteur.